Un motif très rondinonien que cette pupille bleue, dilatée et cerclée de noir, immense et hypnotique, peinte à même la paroi extérieure de la galerie. L'installation est d'emblée placée sous les signes de la fascination et de l'envoûtement.
Cela s'ouvre comme un labyrinthe. Mais, quel qu'il soit, le trajet choisi s'achève dans une cellule hexagonale, toute baignée de douceur, lumineuse autant que sonore. Un sample d'une œuvre de Philip Glass, mêlé de respirations, plane en boucle, et entraîne inéluctablement dans sa ronde lancinante. À l'instar des images, qui, se déployant sur les six écrans, en un montage tournant et décalé, ouvrent un autre labyrinthe : chaque séquence s'offre comme une bifurcation narrative possible.
Une femme et un homme, trentenaires, cheveux longs au vent, veste de surplus militaire, long manteau simili cuir, jeans, pantalons aux revers effrangés, bottes pour elle, chaussures bleues pour lui, marchent, chacun de son côté, à un rythme régulier et soutenu. Il n'y a pas lieu de flâner : l'endroit est désert; l'architecture de blocs, de dalles, de revêtements décoratifs, décrépis et taggués, n'offre aucun attrait. Ils arpentent les mêmes coursives, descendent ou montent les mêmes escaliers, sans jamais se croiser, mais fusionnent, plan après plan, pour se métamorphoser l'un en l'autre. Interchangeables.
La circularité annoncée par le titre Roundelay se referme sur elle-même. Prisonniers d'un trajet en boucle, les marcheurs, désincarnés par un léger ralenti, se révèlent mécaniques sensuelles, et hallucinées, d'une fiction méta-cinématographique, grippée en un surplace sans cesse différé.
Le spectateur, captivé, englué avec délectation dans l'épaisseur des références (de l'art minimal à Fassbinder), est littéralement pris dans les rais du dispositif. Silhouette noire sur l'écran, il contemple, dans une posture pseudo-romantique, sa propre condition, solitaire et vaine, sauvée par une infinie mélancolie.