La chorégraphe Odile Duboc voulait ici que la danse évoquât l’inconsistance, la fuite, la mouvance de l’eau. « La fluidité, la liquidité du corps humain, sa souplesse dans l’élément liquide, voilà, dit-elle, ce qui aura dicté mes recherches durant l’élaboration de cette pièce. Tout comme la dynamique que peuvent générer dans un espace donné dix corps de danseurs jeunes et vigoureux ». De cet esprit de l’eau, nulle trace visible pourtant dans cet ouvrage, sauf à voir dans les courses folles des interprètes l’énergie tumultueuse des torrents, ou dans les plages de calme qui leur succèdent la gravité de l’eau dormante des étangs. Mais si la chorégraphe n’a visiblement pas réussi à saisir l’insaisissable, elle est parvenue en revanche à faire de sa pièce un miracle d’équilibre et de beauté. Et au moment où elle s’apprête à quitter la direction de Centre chorégraphique national de Belfort et de la Franche-Comté, elle conçoit là sans doute son ouvrage le plus achevé qui est comme l’aboutissement d’années de recherches, de doutes et de rigueur. Décrire la chorégraphie serait en déflorer la délicatesse. On ne cernerait ce qui est indicible que pour en dénaturer l’enchantement. Mais à contempler tant de sensibilité, de compréhension du corps et du mouvement, des volumes et de l’espace, on dira volontiers qu’Odile Duboc a fait ici œuvre de plasticienne autant que de chorégraphe, tant cette successions de scènes graves ou intrépides relève d’une merveilleuse alchimie visuelle. Dans le poids des corps parfois, dans leur dramatique abandon, on croit retrouver des figures de Michel-Ange. Et dans leur enchevêtrement fugitif, les peintures de Francis Bacon dont la chorégraphe dit s’être inspirée. Un décor superbe de simplicité que l’art des lumières de Françoise Michel met en valeur magnifiquement, une atmosphère musicale de Thomas Jeker admirablement imbriquée à la gestuelle, achèvent de faire de cette pièce quelque chose de grande beauté -- le Nouvel Observateur